Val de Vesle
Notre commune s’étend du flanc de la Montagne de Reims aux pentes du Mont Cornillet.
Elle est traversée par la Vesle, la Prosne et le canal de la Marne à l’Aisne.
En 1914 Val de Vesle n’existe pas encore. Il faudra attendre 1965 pour enregistrer la fusion.
Le terroir est alors reparti entre trois toutes petites communes ; Wez, Thuisy et Courmelois.
Chacune de ces communes à l’histoire très ancienne, a sa mairie, son église et son lavoir. L’activité est liée, essentiellement à l’agriculture mais une partie de la population travaille pour le chemin de fer ou pour le canal.
Sur Courmelois on trouve un moulin sur la Vesle et un moulin à vent sur la route en allant vers Verzy.
Sur Thuisy deux étangs, qui servaient de régulateur au débit de la Prosne, précèdent encore les bâtiments d’un moulin hors service. Ils sont à cette époque toujours en eau.
Sur Wez il y a un moulin à vent sur le chemin allant à la Ferme des Marquises. Cette dernière est par ailleurs très importante.
Les recensements de population indiquent qu’en 1911 Courmelois avait 99 habitants, Thuisy en avait 163 et Wez 194.
En 1916 après le retour des habitants un nouveau recensement comptera pour Courmelois 64 villageois, pour Thuisy 185 et pour Wez 178. De nombreux bâtiments provisoires ont été implantés pour remplacer ceux que la guerre a ruiné.
Les villages furent sur ordre, complètement vidés de leurs habitants en 1917.
Deux réfugiées belges auraient été tuées à Wez par l’éclatement d’un obus en 1915 ce qui laisse supposer que l’évacuation était loin d’être complète.
Les Allemands ont occupé la totalité du terroir pendant la première bataille de la Marne et ont été repoussé fin septembre 1914 au-delà de la voie Romaine ( D 931.), par la Division Marocaine. .
Aucun document ne mentionne le sort des habitants pendant cet épisode. Hormis le cas de cet homme qui allant seul fut arrêté au Nord de l’Ecluse de Wez, puis fusillé comme espion par un parti de uhlans.
Les échanges d’artillerie pendant la stabilisation du front et les combats d’avril 1917 achèveront de ruiner la quasi-totalité des constructions.
Il faudra attendre juillet 1918 pour que les unités allemandes réoccupent Wez lors de la Friedensturm avant d’en être définitivement chassé après de très violents combats.
Le poste de commandement du secteur des Marquises était installé au Château de Courmelois.
La reprise de l’activité agricole nécessitera la dépollution des terres.
Le Lieutenant André BIZARD
Le 25 Septembre arrive au Groupe une nouvelle d’importance : la grande attaque des troupes franco-américaines va se déclencher cette nuit, de l’Argonne à l’Oise. Ce sera une offensive formidable, peut-être la dernière de la guerre.
A 11 heures du matin, le Commandant BOUCHET convoque les chefs d’escadrille et leur distribue les missions pour la nuit. Il ajoute qu’on lui a demandé une reconnaissance à longue portée, mais qu’il n’a pas accepté en raison de l’insécurité des moteurs du Farman F50.
Le Lieutenant BIZARD proteste en déclarant que la mission peut être effectuée et se propose pour l’accomplir. Ayant obtenu l’accord du commandant, il prépare soigneusement son expédition et choisit son équipage. Il partira avec son mitrailleur et bombardier, l’aspirant Paul RIVES (1) et le meilleur observateur de l’escadrille, le capitaine Charles GARNIER. Le chargement des bombes est réduit à 300kg de façon à emporter le plein complet d’essence. A 21h20, l’avion s’envole de VILLENEUVE RENNEVILLE CHEVIGNY (à côté de Vertus 51) et disparaît dans la nuit brumeuse. La lune, qui vient de se lever, éclaire d’une lueur laiteuse la plaine de Champagne et la vallée de la Marne.
Cependant l’avion s’élève, laissant à sa droite les phares de repère de Tours sur Marne, et se dirige vers REIMS que l’on devine au Nord. Déjà, au-delà des lignes, apparaissent les signaux de l’aviation ennemie, les trois fusées chenilles, qui, intervalles réguliers, sont lancées du fort de BRIMONT, la rampe d’atterrissage d’ASFELD, et plus à l’est, les fusées de BETHENIVILLE.
L’équipage suit maintenant la route qui conduit à MONTCORNET : elle paraît, au clair de lune, d’une blancheur parfaite, traversée d’abord par les tranchées, puis par les pistes d’artillerie, si clairement dessinées dans la craie de Champagne; enfin, au nord de l’AISNE, elle forme une simple ligne blanche, à travers les champs cultivés.
(1)L’aspirant Paul RIVES est devenu député et rapporteur du budget à la Commission de l’Aéronautique.
A MONTCORNET, quelques projecteurs s’allument ; des batteries commencent à tirer, mais l’avion oblique vers l’Est, puis remonte la vallée de la SERRE.
Puis bientôt, GARNIER reconnait la gare de LIART beaucoup plus éclairé que de coutume. Il la montre au pilote et tous deux décident de la bombarder.
D’immenses gerbes d’étincelles s’élèvent, suivies d’un incendie dont les proportions croissent rapidement. L’ennemi a été surpris ; plusieurs projecteurs s’allument, les batteries entrent en action, mais trop tardivement : l’avion continue vers le Nord.
Arrivé sur la MEUSE, il remonte la rivière, survole la gare de MEZIERES, très animée, puis LUMES-TRIAGE, où une activité anormale est décelée, et redescend sur AMAGNE-LUCQUY. La voie ferrée est encombrée de trains, dont les fumées blanches forment le long de la ligne de longues traînées, lentes à se dissiper. L’incendie de LIART dure toujours et forme, dans le lointain, un gros foyer rougeâtre.
Après AMAGNE, la reconnaissance est terminée. L’équipage prend la direction du retour, c’est l’instant de répit, de détente nerveuse qui suit l’effort accompli. Les moteurs au ralenti, l’avion perd peu à peu de l’altitude. Le lieutenant BIZARD parle tranquillement avec GARNIER, les moteurs ont parfaitement tourné, on a fait du 140 de moyenne.
Au CHATELET sur RETOURNE, l’avion est pris dans un projecteur. Le pilote ne s’en inquiète pas et continue tout droit. Mais GARNIER, qui est retourné dans sa tourelle et a cru voir quelques balles lumineuse tirées sur l’avion, aperçoit soudain au-dessous de lui, dans le faisceau du projecteur, marchant en sens inverse à une allure vertigineuse, un monoplace de chasse ennemi.
D’un geste, il le signale à son pilote. Mais déjà l’avion ennemi s’est placé en arrière du fuselage et tire une première rafale qui siffle aux oreilles des passagers. Tous les deux sursautent et sont blessés.
André BIZARD n’a pas bronché ; il remet ses moteurs à plein régime et continue tout droit. Mais lorsque le capitaine GARNIER veut rejoindre le mitrailleur dans la tourelle arrière, le pilote l’arrête au passage et lui commande de rester. GARNIER, surpris le regarde, la figure impassible, n’exprime que l’énergie farouche et la volonté de poursuivre, mais le bas de la combinaison est déchiré par les balles, lui aussi a dû être touché.
Au même instant, une nouvelle rafale enveloppe l’avion. GARNIER, accroupi à côté de son camarade, sent plusieurs balles traverser ses vêtements. Une d’elles atteint un mât de l’avion, le fait voler en éclats. C’est alors que le lieutenant BIZARD, saisissant violemment son ami par le bras, lui fait signe qu’il est blessé et lui dit : « Pilotez ». Puis sa tête s’incline en arrière, il ferme les yeux et abandonne le palonnier. GARNIER, qui a pris les commandes à sa place, perçoit encore un dernier signe d’assentiment de son camarade.
Alors dans l’obscurité tragique, c’est une poursuite éperdue, les deux survivants de l’équipage, emportant le corps de leur malheureux pilote, cherchant en vain à regagner les lignes.
Le monoplan Allemand, continue son tir, atteint un des moteurs, et l’avion, mortellement touché, vient s’écraser sur le territoire d’EPOYE près d’un bois de sapin, sur les pentes entre Mont-aux-noix et Mont-Aigu à gauche de la FERME de VARSOVIE.
Quant GARNIER et RIVRES, quelques minutes après, revinrent de leur évanouissement, l’artillerie Française bombardait la colline où s’était échoué l’appareil.
Le lieutenant BIZARD, déjà glacé par la mort, était étendu sur le dos, près des débris de l’appareil. Des canonniers Allemand vinrent enlever les deux blessés et laissèrent près de l’avion le corps de leur camarade.
Il fut enseveli dans le petit cimetière d’une ambulance Allemande, à PONTFAVERGER. Le corps du Lt BIZARD a été exhumé et identifié par son père en octobre 1920, puis ramené à Béruges (Vienne) en Mai 1921.
(2) Extrait du livre « André BIZARD » et Photos prêtés par la famille Bizard de Béruges (86)
Lieutenant Paul André Jacques BIZARD :
- Né le 6 janvier 1894 ANGERS (49 Maine et Loire)
- Saint- Cyr promotion de la Croix du Drapeau 1 octobre 1913
- Lieutenant au 9 e chasseur
- Chevalier de la légion d’honneur le 26 octobre 1914
- Brevet de Pilote militaire le 11/12/1917 à CERNON (marne)
- Pilote commandant l’escadrille V 114
- Décoré de la Croix de guerre ; 6 citations à l’ordre du corps d’armée et de L’armée plusieurs fois blessé, observateur et photographe de première ordre, fit plus de 136 expéditions de bombardement.
Ordre de l’armée n° 152 du 8 février 1919 : Officier de grande valeur, brillant chef d’escadrille, pilote de nuit remarquable. Est tombé au champ d’honneur dans un combat de nuit, en rentrant de reconnaissance. Grièvement atteint une première fois, a fait des prodiges d’énergie pour rentrer dans nos lignes, jusqu’au moment où il s’est affaissé sur siège, atteint cette fois d’une balle à la gorge.
Le lieutenant BIZARD pilotait un F50 Farman bimoteur de 275ch, biplan pouvant emporter 3 hommes d’équipage, 10 bombes de 40kg, 2 mitrailleuses de 7,7 mm. Il pouvait voler à 150km/h sur 420km de rayon d’action, de 22,85m d’envergure et 10,92m de long pesant environ 2100 kg chargé.
Abattu par le Lieutenant Fritz Anders (commandant de la Jasta 73, aux 7 victoires confirmées dont 5 de nuit avec 2335 heures de vol) vers Moronvillers dans la nuit du 25 au 26 septembre 1918.
Gerhard Fritz ANDERS : premier chasseur de nuit allemand victorieux, suivi par une autre 15 minute plus tard, Anders est devenu le
premier chasseur de nuit dans l'histoire. Né le 23 aout 1889 à COTTBUS décédé le 8 novembre 1919.
Croix de Fer, il pilotait un Fokker enrubanné de bande d’aluminium et noir.
« Sincères remerciements à la famille BIZARD pour les photos et documents »
Résumé par Alain GRETHEN